Sauvé par le misô

Publié le par Howard/Ludo

Le premier dîner dont nous profitâmes à Shirakawagô en avril dernier avait l’air succulent. Malheureusement il cachait bien son jeu. Une fois les différents hôtes réunis dans la salle commune du ryokan, le propriétaire des lieux nous raconta comment se déroulait la vie dans son village, ce qui ressemblait à une très bonne idée au départ. A nos côtés se tenaient un couple de Hollandais et un autre de Français (de Sartrouville d’ailleurs). Comme ceux-ci ne parlaient pas japonais, on demanda si quelqu’un pouvait leur traduire et je me proposai. J’ignorais que le maître des lieux allait se lancer dans un monologue interminable qu’il était impossible d’interrompre aux moments clés pour interpréter en anglais puis en français. Il fallait s’armer de patience et attendre qu’il daigne marquer une pause. Je me lançais alors dans des explications de plus en plus confuses où je m’efforçais de ne rien oublier. Je n’avais pas toute ma tête ce soir-là. Toute la fumée inhalée dans les différentes baraques visitées, la chaleur insupportable qui régnait dans la pièce et l’effet assassin du misô pur dissimulé dans l’un des plats, m’avaient causé une migraine atomique et des poussées de sueur inquiétantes. J’éprouvais de plus en plus de mal à trouver les mots justes et l’homme n’en finissait pas. Un quart d’heure plus tard, je dus m’excuser auprès de tout le monde et me rendis tant bien que mal jusque dans la chambre. Le teint livide, le corps vidé de toute énergie, ma tête était sur le point d’exploser. Je pris le cachet d’aspirine que Naoko me tendit gentiment et m’effondrai sur le futon. Ma tendre épouse rejoignit Howard et les autres.

 


Une demi-heure plus tard, je me rendis compte que la douleur était devenue supportable. J’entendis alors des applaudissements qui semblaient provenir de l’étage. En prêtant un peu plus l’oreille, il s’agissait du retraité français qui se présentait aux autres en parlant des joies et des opportunités que lui avait procuré son travail, dans la langue de Molière.

Puis j’entendis des chants, d’autres applaudissements et j’eus même l’impression que Howard parlait. Vingt minutes plus tard, Naoko et Howard vinrent vérifier mon état et m’avouèrent qu’ils auraient préféré être au lit comme moi.

Nous faisons partie de ceux qui n’apprécient guère d'être dérangés en vacances. Ce n’est pas en étant forcé à écouter de vieilles histoires pendant le repas, puis en étant obligés à monter à l’étage pour se ridiculiser devant les autres en chantant ou en assistant au déballage de la vie privée d’autrui que nous nous relaxons. D’autant que tout était réglé comme du papier à musique : une certaine heure pour le baratin, une certaine heure pour le reste. Du coup, Howard n’a même pas eu le temps de terminer ses plats !

Heureusement nous n’eûmes pas à subir un tel cérémonial dans le deuxième ryokan dans lequel nous logeâmes un mois plus tard.

Publié dans Ambiances

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :