Pas pied

Publié le par Ludo

Je situe assez mal cet autre épisode traumatisant de mon enfance : sept ou huit ans. Une chose est sure, je m’en souviens dans les moindres détails. Ma famille affectionnait les vacances dans le midi et je crois que nous étions à Cogolin cet été là. Le sable y était blanc et chaud, la mer tiède et peu profonde sur une bonne distance. Je ne savais pas encore nager et c’est pourquoi on m’avait flanqué deux énormes brassards gonflables orange qui me faisaient passer pour une sauterelle. Se déplacer dans l’eau avec ces boulets s’avérait franchement incommode et la jointure saillante des différentes parties en caoutchouc faisait vraiment mal au bout d’un moment. Mon père, en parallèle, avait eu l’excellente idée d’investir dans un matelas pneumatique, orange lui aussi mais aux bords bleu marine et avec un coussin où figurait une zone transparente permettant de voir d’insoupçonnés trésors sous-marins. Bon, dans la pratique, cette fenêtre bâtarde restait embuée en permanence et on ne voyait rien au travers mais peu importe, ce matelas était trop cool dans mes yeux d’enfants !

A l’époque je pouvais passer des heures dans l’eau à tel point qu’on me forçait à sortir en me sermonnant : « mais tu es fou ! Tu grelottes et tes lèvres sont bleues ! ». Dans ma tête, jouer dans l’eau restait bien plus essentiel que d’éviter l’hypothermie. Ce n’est qu’une fois enroulé dans une serviette, que je me rendais compte que j’avais sacrément froid. Quinze minutes plus tard, je retournai malgré tout dans l’eau…

L’apparition du matelas ne fit que prolonger mes moments dans les vagues. Je tentai de grimper dessus en effectuant des galipettes et essayai de me tenir debout. Bien sûr l’opération échouait à chaque fois mais je ne me décourageais jamais.

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Un jour, nous débarquions une nouvelle fois sur notre plage préférée et excité comme un pou devant une tête de hippy, j’oubliai toute consigne de sécurité élémentaire en prenant le fameux matelas sans aucun brassard… Une poussée sans doute involontaire d’adrénaline me poussa de surcroît à pagayer pour me rendre plus loin qu’à l’accoutumée. Il y avait beaucoup moins de monde et les fonds avaient l’air plus jolis. Peut-être allais-je distinguer un ou deux poissons à travers le hublot de mon embarcation… Je me rendis alors compte, que je n’avais pas pris mes biceps en caoutchouc. Bof, sur le matelas, il ne pouvait rien m’arriver. Histoire d’éviter tout accident, je décidai de faire demi-tour quand soudain, un véliplanchiste me coupa la route sans me voir à une vitesse décoiffante. Je ne l’aurais sans doute jamais percuté mais un réflexe stupide me poussa à reculer et je perdis l’équilibre. L’angle de ma chute était tel que mes jambes avaient heurté mon rafiot et l’avais envoyé voguer tout seul au loin. Pendant ce temps, je luttais comme un damné pour garder ma tête hors de l’eau. Rien à faire. J’avais beau gesticuler de tous mes membres, mon corps sombrait inexorablement. Une fois en plongée, je me mis à paniquer pour de bon quand tout à coup, le bout de mes orteils toucha le fond. Je me débrouillai pour y prendre appui afin d’effectuer un saut qui me permettrait de reprendre ma respiration. J’y parvins mais je n’avais réussi qu’à sortir la moitié de ma bouche pendant un laps de seconde. Je me préparai pour un saut plus puissant. Tout en toussant, je pus reprendre tout juste un peu d’air. Troisième saut. Je pus crier quelque chose comme « au secblulblub »… Cette agonie sembla durer une éternité mais avant que je ne rebondisse une quatrième fois, une main se saisit de mon bras. L’homme, la trentaine, brun et plutôt bronzé m’avait sauvé la vie. Traumatisé, je n’eus pas la présence d’esprit de le remercier. En sanglots, je reprenais mon souffle. Il me demanda si j’avais une bouée et je lui montrai du doigt ce traître de matelas qui avait fuit à une dizaine de mètres. Il le prit et m’emmena là où j’avais pied. « Ca va ? Où sont tes parents ? ». « Ils sont sur la plage mais je ne sais pas où. » (mes péripéties m’avaient fait dériver plusieurs dizaines de mètres sur la droite). Il proposa de m’accompagner mais je lui répondis que ça allait. Si j’avais l’occasion de revoir cet homme aujourd’hui, je ne manquerais pas de lui exprimer toute ma gratitude.

Quelques minutes de marche furent nécessaires avant que j’aperçoive mes parents. La plage et le rivage étaient bondés et il n’était pas facile de s’y retrouver. Mes larmes avaient séché, et le chagrin avait fait place au choc puis à la joie d’être encore de ce monde. Lessivé, je posais le matelas près du parasol et faisais part de mon aventure à mes parents avec une certaine excitation qui ne laissait place à aucun détail.

Moi : - J’ai failli me noyer mais un monsieur m’a sauvé…

Eux : - Ahaha. Ah bon ?

Leur réaction me fit de la peine mais bon, j’étais encore là et c’est ce qui importait.

Il y a une dizaine d’années, je leur répétai cette histoire, cette fois-ci dans les moindres détails mais ils restèrent sceptiques, arguant que quand on est un enfant, on invente beaucoup d’histoires, comme celle où mes sœurs affirment que la voiture familiale était poursuivie par un cerf… Evidemment, dur d’être crédible après ça…

Publié dans Vieilles anecdotes

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