学際

Publié le par Ludo

Mardi dernier, mon collège secondaire célébrait son festival (gakusai 学際). Pour l’occasion, les festivités se déroulaient dans la salle de théâtre publique de l’arrondissement. En espérant bêtement qu’une telle manifestation assouplirait mes horaires (certains de mes collègues ne sont même pas obligés de se rendre à de telles manifestations), je demandais au préalable au chef des professeurs à quelle heure je devais me rendre sur les lieux. Il me répondit implacablement, mais avec le sourire « 8h30 » (oui je débute quinze minutes plus tard que dans mon collège principal).

Le jour même, j’enfourchai ma bicyclette et pédalai comme un dératé, histoire de ne pas sentir la morsure du froid qui avait subitement envahi l’air ambiant. « Dire qu’il y a une semaine, je portais encore des polos » grommelai-je.

J’arrivai devant le bâtiment moche, garai mon vélo devant l’entrée et constatai qu’il n’y avait personne. Le fait d’avoir égaré mon plan (une carte des environs récupérée sur le net et imprimée sur un quart de papier A4) en route, m’avait-il fait emprunter un raccourci que je n’aurais jamais dû prendre ? Non, j’étais bien au bon endroit, pas de doute. Après quelques minutes, deux collégiennes arrivèrent et me confirmèrent une bonne fois pour toute par leur présence que je ne m’étais pas trompé. Je vins à leur rencontre et leur demandai où diable se cachaient les autres. Elles me répondirent que le rendez-vous était fixé à 9h30 et qu’elles étaient donc très en avance. D’autres élèves débarquèrent par la suite et à 9h00, le chef des profs fit son apparition et s’exclama : « Ben qu’est-ce que tu fais là ? Tu es drôlement en avance ! ». Quand je lui rétorquai qu’il était responsable de ma venue à une heure avancée, il s’excusa : « Je suis vraiment confus. Je t’avais dit 8h30 mais je voulais dire 9h30. ».

Je ne restais au final qu’une demi-heure à l’extérieur puisque les portes furent ouvertes peu après neuf heures.

A 9h45, la petite salle était remplie d’élèves et de quelques parents (surtout des mères) et le spectacle commença.

Le collège au Japon dure trois ans, jusqu’à la troisième. Les premières années correspondent donc aux cinquièmes en France. Ces derniers ouvrèrent le bal par une chorale. Les 1B chantèrent donc après les 1A et une fois leur piètre performance terminée (Pierre Perret sous hélium chantait mieux), les deux classes se rassemblèrent pour un autre chant.

Les deuxièmes années prirent le relais : 2A, 2B, 2C puis tous ensemble.

Les troisièmes années clôturèrent ces deux heures d’ennui : 3A, 3B puis tous ensemble.

Histoire de bien vous achever, toutes les classes se réunirent pour une ultime chanson. Le trajet à vélo et les trente minutes d’attente sous le vent frais avaient rendu ma gorge plus irritée que celle d’un Pierre Bachelet, un lendemain de karaoké arrosé. Je couvais quelque chose et je ne rêvais que de rentrer le plus tôt possible pour hiberner.

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Le fait d’être assis parmi les gamins et à proximité des deuxièmes années (les monstres) n’arrangeait rien. Vous pouvez toujours compter sur un deuxième année pour venir vous pourrir l’existence quand vous vous sentez malade et/ou de mauvaise humeur. Ils vont par exemple vous saluer en utilisant un nom étranger commun comme « Bob » ou « John », rire comme des crétins et tenter de chatouiller les zones les plus intimes de votre anatomie, tout cela les uns après les autres. Cela ne concerne que les garçons bien sûr, puisque les filles, elles, se contentent de vous regarder par groupes de copines en rougissant et pouffant de rire. Je situe donc l’âge bête japonais pour les hommes à 13-14 ans.

Après une pause de dix minutes, la fête reprit avec un peu plus d’intérêt : flûtes à bec, émissions radio (voir photo ci-dessus et pour ceux qui en doutaient, il ne s'agit pas d'une reprise de la Cariocca de Chabat et Darmon), doublage en anglais d’un extrait de ET puis un discours, toujours en anglais.

Le tout sentait le manque de préparation à plein nez. Les annonces des présentateurs demeuraient inaudibles, et les performances manquaient singulièrement de sérieux (le doublage de film fut une anthologie de médiocrité) à l’exception du discours interprété par deux adolescentes talentueuses (très au dessus de la moyenne de mes élèves).

A 13h20, je pus enfin casser la croûte.

A 13h50, je regagnai mon siège, prêt à assister pour la première à une représentation de rakugo 落語. A la différence des duos qui caractérisent le manzai 漫才, le rakugo, lui, ne met en scène qu’un comédien. Cette forme d’humour traditionnel se compose d’un monologue où tous les efforts sont concentrés sur la chute (ochi 落ち). Les acteurs invités par mon école venaient spécialement d’Osaka. Dans un dialecte qu’il m’a fait plaisir de réentendre, ils nous ont fait part de trois histoires, la plus longue durant douze minutes. La majorité de l’audience n’ayant jamais vu, voire entendu parler d’un tel art, les organisateurs ont eu l’excellente idée de le présenter en apprenant quelques bases à trois personnes (choisies au préalable) : un garçon de deuxième année, l’une des deux filles de troisième année du discours et un professeur.

Le garçon, un bon élément rempli d’humour, remplit sa tâche avec brio. Un futur comédien en perspective…

La journée s’acheva à 15h et je rentrai chez moi le plus vite possible pour écraser ferme pendant trois heures.

Sans le rakugo ce festival représenterait pour tous une journée de perdue (une sensation plus forte encore que celle ressentie lors du jour du sport). Pourquoi s’évertuer à préparer des chants qui n’intéressent personne ? Encore une fois, les autres matières se retrouvent sacrifiées pour pas grand-chose. Le pire c’est que l’on remet le couvert lors de la cérémonie de remise des diplômes

Publié dans Ecoles

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