La tortue gagne toujours

Publié le par Ludo

Bien qu’amateur de courses sur faible distance (pas plus de cent mètres), j’ai toujours ressenti un profond mépris pour les courses d’endurance. Je n’ai jamais pu comprendre l’utilité de courir longtemps, un réflexe reptilien j’en conviens.

A l’âge de onze ans, mon école primaire organisa un cross. Cela partait d’un terrain de football pour se poursuivre dans les bois voisins et cela se terminait par trois tours de stade alors que la ligne d’arrivée se situait en plein centre de ce dernier.

Nous nous étions entraînés activement pendant quelques semaines et avions appris à économiser nos forces, à bien gérer notre souffle et à prier que chaque séance se termine rapidement.

Le jour J, la tension était à son comble. Habitué à me fatiguer le moins possible, une sensation nouvelle avait pourtant envahi mes jambes ce jour-là : l’esprit de compétition, et je n’étais pas le seul. Tels des chevaux sur le point de bondir au départ d’un tiercé, nous nous poussions de plus en plus violemment tout en essayant de garder la pause la plus aérodynamique possible qui nous permettrait de coiffer les autres au poteau. Nos instituteurs avaient bien senti notre nervosité et ils nous demandèrent de nous calmer et de bien veiller à ne pas tout donner dans les premiers mètres de la course.

« A vos marques ! ».

Le temps semblait soudainement figé et aucun murmure ne se faisait entendre.

« Prêts ? … Bang ! ». Une bonne seconde après la détonation, nous traversâmes la surface au triple galop comme un troupeau de gnous aveugles alors que nos enseignants tentaient de nous résonner : « Plus lentement ! Plus lentement ! ».

Bien placé au bout de cent mètres, je me mis à ralentir et respirer en rythme s’avérait très pénible. Petit à petit mes poursuivants m’avaient rattrapé, et je me retrouvais parmi les derniers. Devant moi, un garçon que je ne connaissais que de vue paraissait regretter tout comme moi, d’avoir ainsi dépensé ses forces.

 
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Après avoir traversé la forêt, nous aperçûmes le stade mais cela ne me réconforta guère. Dans mes yeux d’enfant, ces trois tours de piste représentaient une sacrée distance. C’est donc avec amertume que je les entrepris. « Encore trois tours, et je me dirige vers le centre et la ligne d’arrivée, et ce sera fini » ressassais-je alors dans ma tête. Soudain, il se produisit une chose incroyable. Mon camarade de course, dont j’avais vu le dos pendant une bonne partie de l'épreuve, coupa la piste et rejoignit l’arrivée. Comme ça, ni vu, ni connu. Je fus stupéfait face à un tel culot.

Plusieurs minutes plus tard, je terminais ce calvaire plutôt dégoûté. Si je l’avais voulu, je n’aurais pas fini quelque chose comme 72ème sur 80 mais 2ème puisque notre petit malin avait remporté le cross ! Cela posait de surcroît de sérieux doutes sur l’intégrité des premiers arrivés : combien d’entre eux n’avais pas réalisé leurs trois tours ?

Publié dans Vieilles anecdotes

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