Délinquance juvénile

Publié le par Ludo

La veille de mon expédition à l’Expo, je suis allé trouver la seule personne disponible à ce moment là, la chef des profs, en l’absence du principal et de son bras droit (non, le principal n’est pas manchot). Je lui demandai alors quel était le code vestimentaire pour une telle journée. Cool biz ou pas, je tente de rester un minimum présentable mais l’idée de marcher sous une pluie d’UV et un nuage d’humidité toute la journée, revêtu d’un tel accoutrement m’avait effrayé. Elle me répondit que tous les profs s’y rendraient en T-shirt (avec quelque chose pour couvrir le séant aussi) et ajouta avec le sourire « bien sûr, les étudiants doivent porter leur uniforme... ». « Et éventuellement mourir de déshydratation. » pensai-je alors.

 

Le lundi suivant, lors de la réunion-matinale-quotidienne-où-personne-n’a-rien-à-dire, une enseignante prit la parole à la stupéfaction générale (j’exagère un peu), pour demander à ses collègues de sermonner leurs élèves sur le fait que manger des glaces à l’Expo, c’est mal ! Très surpris, je réfléchis aux éventuels effets néfastes de ces sucreries rafraîchissantes sur la jeunesse, sans rien trouver...

 

Juste avant les cours, la curiosité me poussa à poser la question à la responsable de l’infirmerie, personne qui s’y connaît a priori le mieux en intoxication alimentaire.

 

Elle me dit alors que la visite de cet événement se faisait pendant les heures d’école et que, par conséquent, cette virée, si amusante soit-elle, devait être considérée par les gamins comme un cours à part entière. Comme ceux-ci ne sont pas autorisés à manger en classe, il est normal qu’ils n’aient pas le droit d’acheter des glaces en excursion. J’acquiesçai par un « oui, c’est vrai, c’est parfaitement normal » de circonstance afin d’éviter tout conflit interculturel. Apres avoir débattu de la chose avec d’autres Japonais, il apparaît que mon école fait preuve d’une rigidité assez exceptionnelle. Franchement, les occasions pour un écolier de visiter une exposition universelle ou d’effectuer n’importe quelle sortie en plein air se comptent sur les doigts d’une main. Dans ces moments, on ne peut pas exiger des enfants qu’ils marchent au pas comme des petits soldats et meurent d’insolation parce que « c’est mal ». Diantre, on les mettrait presque en prison pour une glace !

 

Cette éducation au fouet prône l’apprentissage du respect par la persécution. Quand tu seras grand, tu auras le droit toi aussi de brimer les plus jeunes. C’est ainsi que se fortifie jour après jour une culture base sur la hiérarchie. A l’école, à l’université et au bureau, un aîné jouit d’un pouvoir sur son cadet qui lui doit obéissance, voire servitude, même si une minuscule année les sépare. Cette relation 先輩sempai/後輩kohai tourne souvent à l’absurde. Pendant que des adolescents souffraient dans leurs chemises blanches et pantalons noirs, en train d’espérer que l’on ne les prendra pas en flagrant délit de dégustation de sorbet à la mangue, je sirotais une bière dans le pavillon népalais, en T-shirt et en jean, pendant mes heures de travail de surcroit, avec toute l’absence de scrupules qui caractérise ma position de plus âgé.


Image Hosted by ImageShack.us

Publié dans Ecoles

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :