24 heures. 12:40

Publié le par Ludo

Après quatre heures de cours de suite, mon estomac me fait comprendre avec entêtement qu’il souhaiterait bien que je le nourrisse en produisant une gamme de gargouillements proches de celui d’un évier qui se vide. Très classe. Je dissimule tant bien que mal ses cris et me rend au réfectoire après m’être procuré un ticket-repas. Pour la modique somme de 250 yens, une broutille, les repas préparés dans cette zone académique étonnent par leur qualité. Comparés à ceux de cette autre municipalité où j’enseignais en primaire pendant deux ans et demi dont le goût se rapprochait d’une satyre de cuisine britannique, j’ai l’impression d’avoir affaire à du trois étoiles. Trois étoiles contre Gourmet Trois Etoiles, je préfère sincèrement le premier.

 

Grosso modo, le choix se porte sur deux menus, A et B. A propose souvent de la nourriture occidentale et B des plats japonais, souvent des nouilles (ramen ou udon). Les portions demeurent raisonnables et restent dans la moyenne des déjeuners du pays. Comprenez par là, que les repas du midi restent beaucoup plus légers qu’en France mais le gros des calories est récupéré le soir par un dîner très copieux. Toutefois, les jours de pâtes, les bols sont bien remplis et toujours bizarrement accompagnés de riz. Plutôt étouffe-chrétien

 

Cela ne poserait aucun problème si le temps imparti pour se restaurer n’était pas aussi court : 15 à 20 minutes suivant les écoles. Faire la queue peut prendre cinq minutes à un élève voire plus, quand par exemple du riz au curry, très demandé, figure au menu. Ma position de prof m’offre quelques privilèges, dont celui de pouvoir doubler tout le monde pour me servir, chose que j’effectue avec le plus grand plaisir à chaque fois, en poussant un rire satanique. C’est aussi une nécessité puisqu’en 15 minutes, il faut manger avec un lance-pierre.

 

Les collégiens peuvent se désaltérer avec du lait frais en bouteille de 20cl et les profs avec du thé « Oolong » chaud (même en été). Nous pouvons récupérer le lait qui n’a pas été bu, mais en général il ne reste rien, vu que ces petits monstres, sans scrupules les jours de canicule, se jettent plusieurs litres dans le gosier.

 
 

La pause déjeuner à l’école n’a jamais ressemblé à un moment de détente en ce qui me concerne.
A l’inverse des cours où les gamins se tiennent à peu près correctement (à part les bas du front), ces derniers se muent en de vrais furies au moment où ils m’aperçoivent tranquille et assis (donc vulnérable) à table. Ils me touchent les cheveux, les poils (bras uniquement, autrement je porterais plainte) et me gratifient de toutes sortes de blagues éculées comme celle qui revient à taper sur l’épaule gauche de quelqu’un quand on se poste à sa droite. Tout cela, heureusement n’a rien de méchant mais s’il y a une heure où je me passerais bien de cette agitation c’est bien celle du lunch.

 

Parfois on me demande si j’apprécie le plat du jour et quelle que soit ma réponse, mon interlocuteur rit à n’en plus finir.

 

- Ludo sensei, il est bon le curry ?

 

- Ouais il est pas mal.

 

- Ahahah ouh hihihi

 

Les Japonais étant peu réceptifs aux sarcasmes, je n’ai pas encore tenté des dialogues du genre :

 

- Ludo sensei, il est bon le curry ?

 

- Non, c’est infect. On dirait qu’un singe s’est soulagé dedans après une crise de gastroentérite.

 
 

Je sais bien que cela se solderait pas un grand silence et un regard étonné.
A l’instar de ceux qui me félicitent pour mon usage hors pair des baguettes, je me contente de répondre simplement en souriant.
A suivre...


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Le couloir devant le réfectoire avant l'heure fatidique.

Publié dans Ecoles

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