24 heures II : 6h20

Publié le par Ludo

Ma situation professionnelle et familiale ayant changé depuis l’année dernière, une mise à jour des 24 heures s’avérait indispensable. Naoko vous fera part de sa version début janvier 2007.

 

06:20

L’alarme du téléphone portable de Naoko se met en route. Alors que je me réjouis de ne pas avoir à me lever aussi tôt, je me rendors.

 

06:30

Le deuxième coup de semonce retentit. Naoko sait qu’elle doit impérativement se sortir du futon, car après il sera trop tard. Je l’encourage de tout mon cœur avec toute l’énergie dont je dispose à cette heure : une petite tape dans le dos. Une fois seul sous les draps, je profite de l’espace immense désormais en ma possession et, m’étirant tel un chat près du foyer d’une cheminée, je rejoins une nouvelle fois le pays des songes. J’adore Naoko et j’adore partager ma couche avec elle, néanmoins, je savoure ces quelques minutes de liberté sous cette couette débarrassée de l’emprise totalitaire de mon épouse qui me pousse à survivre au bord du gouffre en ne me laissant qu’une portion ridicule du matelas au bout d’une nuit. Au moment de se coucher, le partage demeure tout à fait équitable. Je ne sais de quelle manière, mais elle trouve toujours moyen de conquérir petit à petit les quelques centimètres de ma surface.

 

06:52

Mon alarme se met en route et me fait bondir du lit. Cela fait partie de mes superpouvoirs : je suis capable de me lever d’un seul coup sans jamais traîner.

 

07:05

Mes ablutions terminées, je me rends dans le salon pour prendre le petit-déjeuner avec ma dulcinée tout en regardant les derniers commentaires d’Ougl, mes messages, la météo et l’actualité.

 

07:18

C’est le moment de me séparer une fois de plus de mon épouse pour quelques heures. Je me souviens alors de l’époque où nous n’habitions pas encore ensemble et où ces adieux provisoires étaient très durs. Si nous avons appris à les abréger, ils n’ont que peu perdu de leur intensité et c’est toujours avec un certain pincement au cœur que je dis « à ce soir » à Naoko dans le genkan. Ah, l’amour…

 

07:33

L’émail frais et étincelant, je rassemble mes affaires et rejoins la gare pour faire la queue pour la énième fois sur le quai. J’ai toujours haï ce moment où l’on jurerait que tous les cinglés du monde ont décidé de vous mettre de mauvaise humeur. Par exemple une colonne ininterrompue de buffles en costume cravate au galop incapables d’effectuer des virages pour vous éviter, surgit de nulle part et bloque votre trajectoire, ou bien le vieux qui vous précède au portique voit son billet refusé par la machine et coupe votre élan, ou encore la personne en face de vous dans la file d’attente prend un malin plaisir à se tenir un mètre cinquante derrière les autres et pénètre lentement dans la rame en vous empêchant de vous asseoir à temps dans l’une des rares places assises restées libres…

 

07:45

Je me retrouve donc debout comme d’habitude alors que le train démarre. A la vue des visages autour de moi, on parierait que l’on part au bagne.

 

08:03

Je me fraie un chemin dans l’escalier qui mène à la sortie. Le tiers des portillons est ouvert dans ma direction. Par logique, on devrait retrouver d’un côté les portillons pour les entrants et de l’autre ceux pour les sortants non ? Perdu. Dans un chaos épuisant, on les retrouve mélangés ce qui provoque des embouteillages entre ceux qui montent et ceux qui descendent, sans compter ceux qui traversent les uns pour rejoindre le point qui les intéresse et ceux qui évitent l’une ou l’autre des marées…

Echappé de ce cauchemar, je peux enfin respirer un peu d’air et me préparer à la deuxième plaie de la matinée : les quinze minutes de marche jusqu’à mon école.

Tout irait pour le mieux du monde si la route n’était pas aussi éreintante en été : imaginez-vous chargés d’un sac de dix kilogrammes contenant votre ordinateur portable et vos affaires de cours sous une chaleur insupportable ou la même chose avec un parapluie dans l’autre main sous la pluie. Certes, j’ai connu pire autrefois avec la montée vertigineuse qui menait à l’un de mes collèges il y a deux ans mais je considère que quand on dépasse les dix minutes de trajet en tant que piéton, on commence à trouver cela fastidieux.

 

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08:15

J’arrive en nage à l’école en évitant au maximum le contact avec les gamins quand je traverse la cour puisque je me trouve toujours dans un état de mort-vivant lobotomisé peu après le petit-déjeuner.

 

08:55

Après avoir effectué des photocopies pour mes différentes leçons du jour, deux à cinq mioches viennent m’appeler dans la salle des profs pour la première heure. Cette année, dans beaucoup d’écoles, les élèves chargés de venir me trouver possèdent un vocabulaire aussi riche qu’un SMS entre rappeurs. Alors qu’en temps normal on me demanderait en japonais « C’est bientôt l’heure du cours d’anglais avec nous. Voudriez-vous bien nous suivre ? » ou même parfois en anglais « Please come to our class », certains ne s’expriment que par interjections : « Anglais… ». Je joue alors à celui qui n’a pas compris.

Les enfants des cavernes : Anglais.

Moi : Hein ?

Eux : Anglais.

Moi : Oui et alors ?

Eux : Le cours d’anglais.

Moi : Qu’est-ce qu’il a le cours d’anglais ?

Eux : Vous pouvez venir au cours d’anglais ?

Moi : Qui ? Mon chien ?

Eux : Pourriez-vous nous suivre s’il vous plait ?

Le pire, c’est que ça a vraiment du mal à rentrer pour certains. C’est sur cette pointe de nervosité que je m’apprête à enseigner.

 

A suivre

Publié dans Ecoles

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